mardi 9 août 2016

Pourquoi mettre de l’humour dans son roman ?

Voici un article invité, rédigé par Nicolas Kempf du site Ecriture (tiret) Livres. Ce conseiller littéraire y propose depuis 2011 des ressources et des services pour les auteurs, les accompagnant de l’écriture à la publication.
Femme riant à gorge déployée.
Comment écrire un roman, en y intégrant de l’humour ?
Lorsque j’étais étudiant en lettres, nous avions un TD sur Franz Kafka. Nous étions une bande de jeunes chercheurs tout à fait convaincus. Durant nos exposés, nous faisons assaut de belles idées à propos des écrits du maître de Prague. Les mises en abyme, les références bibliques, les figures paternelles… Tout le bullshit littéraro-ploum-ploum.

Seulement, notre professeur, monsieur E., ne semblait jamais satisfait. Quelque chose le gênait, dans nos interventions, mais il ne nous disait pas quoi.

Et puis un jour, il a lâché le morceau :
« Tout ce que vous dites est bien trouvé, mais vous passez à côté du texte. Vous négligez l’élément essentiel, celui qui explique tout. Et cet élément c’est… ?
— … ?
— Les autres ? Quelqu’un ? »
Silence gêné. Regards en points d’interrogation…
« Mais c’est l’humour, enfin ! Ce texte est fichtrement drôle ! »

Et il avait raison, le vieux renard des amphis : Amerika, c’était marrant. Et tout Kafka. Pas à se faire pipi dessus, pas à la façon « yau-de-poêle », mais marrant quand même. Il paraît d’ailleurs que Kafka se bidonnait aux larmes quand il lisait ses propres textes à ses amis. (Bien que je soupçonne beaucoup ici un rire forcé et mal à l’aise. Comme un smiley oral, quoi.)

Il y a de l’humour chez Kafka, et il y en a dans de nombreux romans, un peu partout dans la littérature ; c’est même matière à travaux universitaires ! Ce jour-là, dans cet amphi consterné, j’ai eu une révélation. Je me suis juré de ne jamais perdre de vue l’humour en littérature. Pour moi qui taquinais déjà la plume, dans le secret de ma chambrette estudiantine, c’était comme un grand souffle chaud : mon avenir littéraire serait rigolo, ou ne serait pas !

I. L’humour, vraiment ?


A. L’humour selon moi


Avant d’entrer dans les détails, faisons ensemble quelques mises au point. Qu’est-ce que l’humour, d’abord ? Le propre de l’homme, selon Rabelais ; la politesse du désespoir, selon qui vous voudrez ; la crotte de la gazelle devant la tanière du lion, selon un proverbe bantou…

Pour Bergson, l’humour serait du « mécanique plaqué sur du vivant». Pour le dire autrement, un être devient drôle dès lors que son mouvement n’est plus en harmonie avec la réalité. Un ivrogne qui sort des balourdises, une belle faute d’orthographe, un animal qui essaie de marcher sur ses pattes arrière… Tout cela possède une charge comique. Depuis des années, je cherche la faille de cette définition ; je ne l’ai pas encore trouvée.

B. La valeur de l’humour


Un autre point est celui de la valeur du rire. Un certain nombre d’auteurs, d’artistes, de consommateurs d’art, méprisent l’humour. Ils placent le tragique au-dessus du comique, ils ne jurent que par la larmichette ; la littérature de ces écrivains-là doit être grave et digne…

Un jour, Pierre Desproges (qu’Odin l’accueille au grand banquet du Walhalla) est tombé sur une phrase dans une quelconque feuille de chou :
« C’est un film qui n’a pas d’autre ambition que celle de nous faire rire. »
Et voilà notre Cyclopède fulminant : car l’ambition de faire rire, elle est démesurée ! Le talent d’amuser, de vous distraire de vos peines, est bien plus rare, bien plus délicat, que celui de vous faire pleurer… Nous devrions les glorifier, nos rigolos, bien plus que ceux qui nous font sortir nos mouchoirs.
« Molière [écrit Desproges], qui fait toujours rire le troisième âge, a transpiré à en mourir. Chaplin a sué. Guitry s’est défoncé. Woody Allen et Mel Brooks sont fatigués, souvent, pour avoir eu, vingt heures par jour, la prétention de nous faire rire. Claude Zidi s’emmerde et parfois se décourage et s’épuise et continue […] il faut plus d’ambition, d’idées et de travail pour accoucher des Ripoux que pour avorter des films-fœtus à la Duras et autres déliquescences placentaires… »
Pensez-y avant de snober les romans drôles : vous avez le droit de ne pas apprécier, mais pas de les juger « faciles ».

II. L’humour au service de l’idée


Image représentant les sorcières imaginées par Terry Pratchett dans la série de romans du Disque-monde.

Je relève deux fonctions principales à l’humour dans les romans : une fonction artistique, créative (l’humour facilite l’expression), et une fonction plus technique (l’humour soutient l’histoire).

En tant qu’auteur, ne négligez pas la puissance de cette arme de dérision massive.

A.   Plaisir d’écrire


Cela paraît tout bête, mais qui d’entre vous l’a déjà remarqué ? Écrire avec humour augmente votre plaisir d’écriture.

Nous savons tous combien il est pénible, parfois, de se coltiner son texte, d’y retourner, surtout dans ce moment central de la rédaction où tout a été vécu, mais où tout reste à dire ; où vos personnages vous sortent par les oreilles ; où le projet vous semble, comme disait le boxeur masochiste, long comme un jour sans pains.

L’humour sauve l’envie. Écrire pour rire, pour faire rire, vous aide à surmonter tous les découragements.

B.    Satire


Terry Pratchett a développé, dans ses pléthoriques Annales du Disque-monde, un univers profondément dérisoire, fait de coffres à pattes, de trolls pas si bêtes, de sorcières finaudes, sans oublier la Mort, qui traîne toujours quelque part en coulisses.

C’est pour lui et pour des écrivains de sa trempe que l’on a forgé le terme de « light fantasy », fantasy légère, amusante. Pratchett a ouvert une voie qui est devenue un boulevard.

Mais à quoi sert l’humour dans ses romans ? À la satire. Ce Disque-monde, c’est notre monde, un peu plus simple, simplifié ; mais à peine. Les ridicules de notre temps, de notre société, en ressortent d’autant plus.

C.   Libération


Chez Henry Miller, l’écriture fonctionne un peu comme la parole (orale). C’est une façon, dirons-nous, de parler sans être interrompu par un quelconque emmerdeur. Sa parole se déploie, s’étoffe, s’affole au fil des pages, et prend une charge puissamment comique.

Miller, qui s’ennuie dans son job alimentaire à la Western Union Telegraph, dans cette Amérique désespérément matérialiste, écrit l’extravagance, la bouffonnerie. L’humour, ivresse de l’écriture, est chez Miller le signe d’une libération absolue de la pensée :
« “Et toi, tu as joui ? Non, pas encore, dis ? reprit-elle. Retiens-toi. Laisse-le dedans. Ne bouge pas.” J’obéis. Mon truc était enfoncé comme un coin et je sentais les petits pennons se débattre à l’intérieur comme des oiseaux affamés… »

D.  Peinture du monde


Chez L-F Céline, l’humour se tapit à chaque détour de page. Ses personnages sont ridicules ; leurs petites passions, leurs petites activités sont ridicules. Il ne se place pas sous un parapluie : Céline est la première cible de son universelle dérision. Tout est toujours raconté avec beaucoup de sérieux, ce qui nous titille en permanence le coin des lèvres.

Et au fil des romans, à mesure qu’il étoffe ces galeries de personnages niais, mesquins, lâches, exaltés, mais toujours comiques, il nous dévoile notre nature humaine. L’humour, chez Céline, est un moyen de peindre le monde ; de nous désigner le monde.

E.   Déclencheur d’indulgence


J’ai lu récemment un roman de Cavanna, Les fosses carolines. Souvent, j’ai été ennuyé par ma lecture. J’ai été embarrassé pour son auteur, qui anachronise, qui incohérentifie, qui raccourcifacilise le récit à tour de bras. C’est mou, c’est plein de trous, c’est improbable… Mais c’est drôle. Les personnages sont drôles, les situations sont drôles, les dialogues, les idées, les trouvailles sont drôles.

Et je suppose que c’est ce que voulait Cavanna : avant de faire un roman historique, une grande fresque carolingienne, un road-movie bien ficelé, il s’agissait tout simplement de faire un roman marrant. L’humour, en quelque sorte, ici, sauve le texte. Il rend les faiblesses d’écriture supportables…

De la même façon, j’ai dit ailleurs tout le mal que je pensais des clichés. C’est vrai, pourtant, qu’ils sont parfois inévitables. Tout comme les facilités scénaristiques (« tout cela n’était qu’un rêve… »)

Votre lecteur vous pardonnera beaucoup de choses, du moment que vous assumez vos choix, et que vous y ajoutez une petite goutte d’humour pour « faire glisser »…

F.    Originalité


Dans notre république des lettres tellement concurrentielle (à côté de laquelle la jungle de Palombie évoque un pique-nique champêtre), l’originalité est une valeur importante. Les éditeurs, les lecteurs, les librairies recherchent du nouveau.

L’humour permet, avec un peu d’efforts, de trouver un ton bien à soi et facilement identifiable. On remarque les auteurs rigolos, et on ne les lâche plus.

Je trouve d’ailleurs étonnant, dans ces circonstances, que l’humour ne soit pas plus universellement répandu dans la littérature. Les grandes œuvres, pour moi, seront toujours celles qui me font sourire, en plus de me faire pleurer ou serrer les poings. Je vous donne volontiers Tolstoï, Balzac, Mallarmé, avec encore un peu de Lautréamont pour tasser dans les coins, pourvu qu’on me laisse mon Flaubert. Et parmi les auteurs vivants, c’est la même chose : pour un taquin comme Iegor Gran ou Eduardo Mendoza, combien de compassés ? Combien de plumes-de-carême ? La littérature est une chose infiniment sérieuse, pour autant qu’on ne la prenne pas au sérieux…

III. L’humour comme outil d’écriture

Image illustrant San-Antonio, le commissaire de police, héros de la série éponyme.

Nous avons vu l’utilité de l’humour dans votre démarche créative. Mais plus intéressant, je pense, et moins connu, est le rôle de l’humour dans la résolution de vos problèmes techniques. L’humour est une arme, mais c’est aussi un outil…

A. Surprise


Frédéric Dard, à travers son héros narrateur San-Antonio, ironisait beaucoup sur ses chances d’entrer un jour au panthéon littéraire. On a toujours relégué ses bouquins dans les librairies ferroviaires, et c’est bien dommage : contrairement aux « Brigade mondaine » et autres SAS, ses petits polars truculents ne se prenaient pas au sérieux. Il avait de la dérision pour deux, le bonhomme, et même pour toute la triste étagère des « romans de gare ».

Ses romans étaient bourrés de trouvailles de langage, de réplique qui claquent et de situations loufoques ; comme ce plan d’attaque terroriste contre une centrale nucléaire impliquant un trou dans un champ, une balançoire et deux sumos à la vessie pleine. Je n’en dirai pas plus : je sais combien une défloration peut laisser sur sa faim.

L’humour, dans les romans de Dard, est un incroyable élément de surprise. Que ce soit au détour d’une réplique ou d’un épilogue, il sait nous cueillir droit au sourire. Pour cela, et pour cela au moins, il vaut mieux que les romanciers de gare compassés, présents et futurs.

B. Intérêt des personnages


Neil Gaiman est un des petits camarades du susnommé Terry Pratchett. Lui aussi manie avec dextérité les barres hautement radioactives de l’humour, dans la piscine de notre morosité… J’en ai déjà parlé ici ou là, mais je ne me suis pas attardé sur l’incroyable puissance comique des textes de Gaiman.

Et quel effet produit l’humour dans ses romans ? Il rend les personnages éminemment originaux et attachants. Dans un de ses textes, Gaiman met en scène un duo de personnages qui se connaissent depuis très longtemps. La première fois qu’ils se rencontrent dans le livre, le premier appelle le deuxième « mon vieux ragondin évanescent » (ou un truc du genre). La deuxième fois, c’est « mon cher campagnol dérélictueux ». Et ainsi de suite. C’est simple, accrocheur et cela rend ce duo absolument original. [À vrai dire, je ne sais plus dans quel livre cela se trouvait, ni même s’il s’agit de Neil Gaiman. Si quelqu’un me donne un indice valable, il gagnera un autographe numéroté sur peau de fée bleue (se mettre en rapport avec le blog pour les détails).]

Cette fonction de l’humour est vraiment très puissante. Elle permet de déclencher rapidement, chez le lecteur, les sentiments souhaités envers le personnage.

Je travaille en ce moment sur un scénario de BD. La première scène expose mon personnage masculin principal. Il est confronté à la réparation d’un appareil récalcitrant, et dont son avenir dépend. Dans une scène de fureur et de violence, difficile de rendre le type attachant, n’est-ce pas ? D’autant que la place, en BD, est extrêmement restreinte.

Difficile, sauf si on lui autorise une dose d’humour et d’autodérision ; à la fin de la scène, mon personnage regarde ironiquement son appareil éclaté sur la table, et il lui dit : « Bon, moi je vais me balader. Tu as qu’à te réparer tout seul pendant que je ne suis pas là… » Un personnage capable de rire de sa situation acquiert aussitôt un grand potentiel de sympathie.

C. Respiration dramatique


Il est parfois difficile de moduler votre récit entre scènes d’action, de tension, d’abattement, de repos, d’allégresse… Comment les doser, les organiser ? Comment changer de ton sans que cela ait l’air artificiel ?

Les changements auront certes l’air artificiels… si vous racontez vos histoires avec sérieux. Si vous introduisez ces petits décrochements, ces quant-à-soi permanents que sont les traits d’humour, vous rendrez plus naturel le passage entre les scènes. Si vos personnages, ou votre récit prennent les choses avec un peu de recul, le lecteur vous suivra au bout du monde.

Je suis en train de lire un roman (Nager sans se mouiller, Carlos Salem) truffé de petites surprises. La fin de chaque scène est savoureuse et apporte une révélation crimino-rigolote, qui me pousse à me dire « Allez, encore quelques pages… » : scène 1, le héros, au lieu de sortir une cigarette de sa poche, sort un pistolet et abat l’homme qui lui offrait du feu ; scène 3, le héros (tueur à gages, donc) apprend que sa prochaine cible serait son ex-femme. Scène 4, l’endroit où il devra accomplir son forfait est… un camp de nudistes. Je vous laisse imaginer le potentiel comique de toutes ces mini-révélations.

D. Cadence


Pierre Desproges, qui a écrit et ouvert son bec dans toutes sortes de médias et sur toutes sortes de sujets, était avant tout un humoriste, et un homme de scène. C’est pour cela que son unique roman, Des femmes qui tombent, n’est pas absolument convaincant (pour ne pas dire qu’il laisse perplexe le lecteur le mieux intentionné).

Pourtant, même s’il est trop court et très bizarrement construit, ce petit texte est bourré de passages amusants. Il n’y avait que Desproges pour inventer le ficusien, cet extra-terrestre qui ne se nourrit que de caoutchouc, mais qui est soluble dans l’eau ; d’où le dilemme du ficusien, lorsqu’il est affamé et qu’il n’a, pour se nourrir, que son imperméable, alors que l’ondée menace…

Bref, Desproges est homme d’humour avant d’être auteur de fiction. Son roman est empreint d’humour, parce que l’humour est pour lui une respiration, une raison d’être. Et quoi qu’on pense par ailleurs, Des femmes qui tombent possède une cadence, une magnifique unité, grâce à sa dimension désopilante.

E.   Conflits mineurs


Sans être un fanatique de l’écriture à l’américaine, je retiens quelques éléments intéressants dans les conseils des script doctors. L’un d’eux est le besoin de conflit. Injectez du conflit sous toutes ses formes, entre tous vos personnages, dans toutes vos scènes, et votre texte deviendra, comme par magie, plus intéressant, plus captivant, plus attractif…

Qu’est-ce que le conflit ? Les moments d’affrontement, bien sûr, à coups de poings ou de RPG-7 ; mais aussi les discussions houleuses, les désaccords, les désobéissances, les critiques, les luttes d’influence…

Certes, me direz-vous, mais si on ne veut pas, dans son roman, que les personnages se tapent dessus et se dressent brutalement les uns contre les autres ? L’humour, encore lui, permet d’introduire des formes mineures de conflit. Les taquineries, les pirouettes verbales, les critiques, les jalousies… peuvent s’exprimer avec humour. D’un point de vue romanesque, la charge de conflit est aussi forte, voire plus forte, que si vous lanciez vos héros face à face assis sur des tracteurs. L’humour est le mode mineur de l’expression du conflit.

IV. Aux frontières de l’humour

Photo représentant une femme déguisée de telle sorte à faire rire.

Tout ceci ne serait pas complet si je ne donnais pas quelques limites. L’humour a ses frontières ; en tant qu’écrivain chatouilleur, vous devez les connaître.

F. Cabotinage


Ou, en d’autres termes, « le coup de coude dans le gras du bide » ; imaginez : vous regardez un spectacle ; votre voisin indélicat rigole très fort et vous fait des clins d’œil, l’air de dire « Hein, c’est pas mal, ça, hein ? C’est trouvé ! » Pénible, n’est-ce pas ? D’autant plus quand le type au clin d’œil est… le metteur en scène !

Soyez drôle ou désopilant, mais évitez le cabotinage. Ne répétez pas vos blagues, vos effets. Ne les signalez pas par un gros panneau. Évitez les effets qui compliquent la lecture et lassent l’attention (par exemple les notes de bas de page imbriquées).

Soyez prudent, très prudent, avec ce que l’on nomme les adresses au lecteur ! Le meilleur mauvais exemple que je puisse donner est Je gagne toujours à la fin, de Tristan-Edern Vaquette. Difficile d’imaginer ce qu’il resterait du livre, en retirant tous les apartés adressés au lecteur… Une plaquette, un fascicule ? Une page de bloc-notes ; pour souris.

L’illusion romanesque est une petite chose fragile ; préservez-là, défendez-la de votre torse puissant et musculeux. Dans une fiction (et j’ai bien dit fiction !) le lecteur n’a pas envie qu’on lui montre les ficelles. Il veut croire, jusqu’au bout de sa foi.

G. Cohérence


Un roman est une boîte qui contient un univers. Elle ne peut pas contenir tous les univers. Chaque univers a des règles et des limites, mêmes folles. Un roman qui transgresserait les limites de son univers en permanence ne serait plus un roman, mais une créature expérimentale. Ces bestioles ont le droit d’exister, bien sûr, comme les ornithorynques, les concombres de mer et les rastaquouères à queue mordorée ; mais n’essayez pas de donner un texte absurde pour un roman ; n’espérez pas le faire passer pour un roman. Je n’ai pas d’exemple de tels textes publiés ; en général, ils ne passent pas la barrière des comités de lecture. Mais j’ai croisé le cas, plusieurs fois, dans mon activité de relecture de manuscrits.

Le risque, avec l’abus d’humour, est celui-ci : à force de vouloir faire rire, on oublie qu’il faut aussi captiver, ravir, faire craindre, faire languir…

Vos personnages, s’ils se moquent de tout, deviendront détestables… Le Journal de Bridget Jones donne, à la longue, des fourmis dans les mains. Il est plaisant de voir l’héroïne tout encaisser avec le sourire, et assumer son ridicule ; mais on aimerait aussi qu’elle relève la tête, et qu’elle attaque sérieusement, de temps en temps, les causes de ses problèmes…

Comme dans tous ses aspects, l’écriture littéraire est affaire d’équilibre et d’efficacité.

V. Conclusion maline

Dessin humoristique d’un enfant mordu par un requin.

La réflexion pourrait se poursuivre et se développer sur toutes sortes de textes ; il vous suffit de bien secouer votre bibliothèque : vous verrez de petites miettes d’humour en pleuvoir joyeusement.

L’humour assure, dans les romans, des fonctions artistiques (mieux formuler les idées, déclencher la bienveillance…) et des fonctions romanesques (surprendre, attacher…)

On voit, ici ou là, que l’humour fonctionne un peu comme la poésie. Un passage lyrique, dans un roman, peut avoir sur vous les mêmes effets qu’un passage drolatique. La poésie et l’humour se rejoignent dans une tonalité littéraire qui s’appelle la tendresse, et que les écrivains pour enfants entre autres savent manier à merveille… Mais c’est une autre histoire, une autre réflexion à mener…

Quoi qu’il en soit, en tant qu’auteur, en tant que chercheur, en tant qu’ancien éditeur et en tant que conseilleur d’écrivains, je le dis et l’affirme : l’humour est bienvenu dans tous les manuscrits du monde.

Alors, soyez drôle, pas lacrymal !

Pour aller plus loin...


Merci à Nicolas pour cet article complet.

Et si les recommandations, la plume du monsieur vous ont plu, alors rendez-vous sur son site, notamment dans la catégorie « Base de connaissances ».

Vous y découvrirez, par exemple :

2 commentaires:

  1. Honnêtement, cela faisait longtemps que je n'avais pas pris autant de plaisir à lire un article ! De la pertinence,de la culture, du bon-sens, de l'humour, bref des qualités qui se perdent et que je trouve là, soudainement en un seul article ! Personnellement, je e rends compte que je mets de plus en plus d'humour et d'ironie dans mes textes, chose dont j'étais incapable plus jeune. Peut-être parce que l'humour suppose un certain détachement et beaucoup de lucidité. Et c'est vrai que mes textes s'en portent mieux, ils sont plus digestes et plus rythmés. Ne manque que l'éditeur mais c'est une autre histoire... Depuis que mon éditeur a mis la clé sous le paillasson, ce qui je dois le dire était tellement évident que... j'en ris presque. Merci pour votre article.

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  2. Très bonne question pour les écrivains. Merci pour ce morceau

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